Divitiae enim apud sapientem virum in servitute sunt, apud sultum in imperio.
Les richesses sont chez le sage en esclavage, chez le sot au pouvoir.
Dans mon dictionnaire, on trouve quelques maximes qui se rapprochent de celle-ci et qui aident à mieux la comprendre :
- Une grande fortune est un grand esclavage : maxime qui souligne que les plus modestes d’entre nous peuvent se permettre des comportements que les hommes publics ne peuvent pas. Par exemple je peux dire « casse toi pauvre con » à un gars qui se met pile sur la route devant mon vélo, mais ça passe moins bien quand c’est quelqu’un de connu qui le dit
- L’argent est utile s’il est contrôlé par âme forte : je comprends ça de la façon suivante : l’argent est utile s’il est dans les mains de quelqu’un qui sait le gérer. C’est-à-dire quelqu’un qui ne va pas dilapider tout son patrimoine inutilement mais au contraire le faire croître. Pour son bien et celui des autres.
- L’avare est l’esclave et non le maître de ses richesses : ça se comprend bien, pensez à tout le temps que Picsou met à compter ses pièces d’or, sans parler de l’énergie qu’il dépense à sécuriser son coffre et à toutes les astuces qu’il doit mettre en place pour économiser trois centimes.
Ces trois maximes supplémentaires me conduisent à penser que ce que Sénèque a voulu dire, c’est que si on n’est pas maître de soi pour commencer, on ne deviendra pas le maître de son argent, mais son esclave. J’imagine que ça veut dire penser tout le temps à l’argent, à comment en gagner plus, être prêt à tout pour en gagner plus.
En fait quand j’ai lu cette maxime la première fois, ce n’est pas comme ça que je l’avais comprise. Je pensais qu’il s’agissait de montrer que le sage est capable de faire travailler son argent pour soi. C’est-à-dire d’investir son argent correctement pour qu’il en rapporte toujours plus et devenir encore plus riche. Le sot lui, ne sait pas comment faire ça et au contraire, il travaille pour l’argent.
Dans ce cas-là, on rejoint ce que j’expliquais dans mon article sur les flux d’argents : les riches deviennent toujours plus riches parce qu’ils savent faire travailler l’argent pour eux. Ils ont construit un cercle vertueux où les bénéfices de l’argent investi sont réinvestis et rapportent toujours plus de bénéfices.
Il semblerait que ce n’est pas le sens de cette maxime qui met en garde contre une trop grande richesse pour les faibles d’esprit. Richesse qui risque de nous détourner des autres par exemple.
En ce qui me concerne, les deux interprétations me conviennent. Je pense qu’une trop grande richesse peut être pesante et je pense également qu’on est riche quand on est maître de son argent. Qu’en pensez-vous ? Est-ce que vous voyez une autre explication ? Êtes-vous maître ou esclave de votre argent ?
Le pauvre meurt s’il veut imiter le riche
La phrase nous vient d’une fable de Phèdre sur la grenouille qui veut imiter le bœuf. Elle se gonfle donc à un tel point qu’elle finit par exploser !
Inops, potentem dum vult imitari, perit.
Le pauvre meurt s’il veut imiter le riche.
Vous connaissez peut-être cette fable car elle a été reprise par La Fontaine, je vous la recopie ici :
Une grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s’étend, et s’enfle et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant: « Regardez bien, ma sœur;
Est-ce assez? dites-moi: n’y suis-je point encore?
Nenni- M’y voici donc? -Point du tout. M’y voilà?
-Vous n’en approchez point. »La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages.
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs ,
Tout prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
Ça doit être bien dégueu une explosion de grenouille.
Pourquoi je pense que c’est encore d’actualité ?
Aujourd’hui, on a un peu moins de marquis et de princes qu’à l’époque de La Fontaine, mais je suis sure que dans votre entourage vous connaissez au moins une personne qui vit au dessus de ses moyens. Une personne qui désire vraiment avoir un nouvel écran plasma, le dernier smartphone ou un canapé cuir et tant pis si il/elle finit dans le rouge ou à manger des pâtes tous le mois.
En fait c’est peut-être même encore plus vrai aux États-Unis (et peut-être en Angleterre) où tout peut s’acheter à crédit et où on entend tous les jours à la radio des pubs sur « achetez un lit king size, profitez en aujourd’hui, commencez à payer seulement l’année prochaine ». Avec un taux de crédit qui bien sur rend le prix final trois fois plus cher…
Les raisons pour lesquelles on dépense parfois plus que nos moyens, on les connaît, je les ai évoquées ici : on voit nos amis, nos dirigeants, les stars avoir tel ou tel produit, du coup on le veut aussi. Parfois on consomme juste pour ne pas être « out », vous vous souvenez au collège ? La pression pour avoir les mêmes Converses que les amis (quand j’étais au collège le grand truc c’était les t-shirt DDP). En anglais on appelle ça « keep up with the Joneses » : essayer d’avoir le même standard de vie que ses voisins. Ça a entraîné des tas de gens à finir avec des maisons gigantesques, 3 voitures et $700,000 en dettes.
Le problème bien sur quand on vit au dessus de ses moyens c’est qu’il faut une façon de compenser : si on achète un nouvel écran plasma et qu’on doit manger uniquement des pâtes pendant 6 mois, on se ruine un peu la santé. Si on achète ce même écran à crédit, non seulement on finit par le payer plus cher et donc on s’appauvrit encore plus, mais en plus on prend le risque de ne pas pouvoir payer ses créanciers et donc se créer des problèmes dans le futur.
Peut-être qu’on n’en mourra pas, mais ça ne nous mènera pas à plus de sérénité financière, c’est sur !
Comment vivre avec cette citation ?
Je pense que c’est important de garder à l’esprit qu’il faut éviter plus que tout de vivre au dessus de nos moyens, ainsi que la pression de nos amis plus fortunés, qui parfois ne se rendent pas compte de la situation.
Ça peut être difficile de réaliser qu’on dépense plus que ce qu’on gagne, parce qu’on dépense par habitude, alors je vous encourage à suivre vos dépenses, peut-être que vous découvrirez des choses que vous ne saviez pas.
Enfin souvenez vous que souvent les riches ne vivent pas comme des riches. Ils vivent comme vous et moi, peut-être en faisant un peu moins attention, mais sans doute pas en brûlant tout en écrans plasma !